mardi 15 février 2022

COVID-19 ... MESURES NÉCESSAIRES OU PRÉTEXTE POUR UNE POLITIQUE AUTORITAIRE ?

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On est le 28 décembre 2021,
je suis appelée dans un EHPAD pour un certificat de décès.

Lorsque j’arrive, la fille du patient est là.
Elle a une soixantaine d’années. Elle était en larmes en me disant qu’elle avait vu son père à Noël, mais qu’elle aurait aimé être là quand il partirait.
Je lui ai alors répondu qu’il s’était probablement senti plus serein de partir une fois qu’il l’avait revue à Noël. 

Mais là ses sanglots se sont faits plus forts.
Elle m’expliquait qu’elle n’était même pas sûre qu’il l’ait bien vue.
En raison du contexte sanitaire, on lui avait demandé de rester dans l’entrebâillement de la porte. Elle n’avait pas pu lui tenir la main ni l’embrasser.
Pourtant, vaccinée, son père également et venue avec son passe sanitaire, elle avait ce droit. Et elle me dit : “Je lui avais amené son cadeau de Noël et il n’a pas pu l’ouvrir.”

À quel moment peut-on accepter une telle inhumanité ?
Qu’une fille ne puisse pas serrer la main de son père en EHPAD un jour de Noël.
Si certaines mesures pouvaient, et à la limite, être compréhensibles en tout début de pandémie, en raison de la non-préparation des institutions, de l’effet de surprise de l’épidémie, des mécanismes de contagion incertains, ce n’est absolument plus le cas.
Il n’est clairement pas tolérable d’être privé de voir l’un de ses proches, de lui tenir la main ou de pouvoir sortir au motif quelconque.
La question qui se pose est donc aussi de savoir comment on en est arrivé là ?
À quel moment y a-t-il une confusion entre des règles sanitaires nécessaires et des abus autoritaires sans aucune efficacité ?
Entre ce qui relève de la protection ou du prétexte au manque de moyens ?

Comment en venons-nous, sous une autorité plus ou moins prégnante, à accepter des protocoles insatisfaisants, inhumains ?
Il y a d’abord cet effet de sidération qu’a produit sur nous tous l’arrivée de cette pandémie,
la mise en suspension de la “vie normale”, la longue répétition des chiffres quotidiens de contaminations, de malades en réanimation, de décès.
Il y a l’administration de nos corps contraints par le gouvernement.
Sortir, s’enfermer, cinq jours, sept jours, faire un test, avoir le droit d’aller ici ou là, de manger debout, assis, dans le train, au bar.

Un très bon article de l’École en Hautes Études des Sciences Sociales en parle bien : Donc à quel moment, ces règles, censées être là pour le bien de tous, deviennent-elles inadaptées voire abusives, enfreignant certaines de nos libertés fondamentales sans raison ? Et comment les intégrons-nous malgré tout ? 

Derrière certaines de ces questions, il y a une théorie qu’on appelle le “nudge”.

Le nudge, ou “coup de coude”, en français plutôt traduit par “coup de pouce”, est une technique pour inciter des individus ou l'ensemble d'un groupe humain à changer tel ou tel comportement ou à faire certains choix, sans être sous contrainte ni obligation et qui n'implique aucune sanction.

Très intéressé par ces méthodes, Emmanuel Macron a utilisé ces techniques pendant sa campagne et dès 2017, un département de sciences comportementales est créé à sa demande au sein de la direction interministérielle de la transformation publique : DITP. Il va conseiller les différents ministères et le Service d’information du gouvernement.

Le 13 mars 2020, alors que la France découvre l’ampleur de la pandémie, Éric Singler, directeur général de BVA Nudge Unit, poste un message sur le réseau professionnel Linkedin. Je cite : Et à la fin, il dit qu’il faut en gros créer une task force pour nous rééduquer.

Six jours avant, le Président et sa femme allaient au théatre pour inciter les Français à continuer à sortir, les professionnels de santé n’avaient pas un masque, ça ne servait à rien pour les autres.

Moi je ne sais pas utiliser un masque.
Je pourrais dire : "Je suis ministre, je me mets un masque."
Mais en fait je ne sais pas l'utiliser.
Parce que l'utilisation d'un masque ce sont des gestes techniques précis sinon on se gratte le nez sous le masque bah en fait on a du virus sur les mains.
Bon heureusement les experts du nudge étaient là pour convertir nos cerveaux bouffis et stupides à se plier aux gestes barrières.

Le conseiller spécial du Président, Ismaël Emelien, appelle de suite monsieur Singler et celui-ci sera reçu le lendemain au cabinet d'Olivier Véran à la demande du gouvernement. Cette entreprise produira des notes en vue de la communication de l’Elysée pendant toute la pandémie.

On retrouve ici, suite à une enquête, quelques-uns de ces conseils.
On y voit donc, par exemple, conseiller la mise en place du fameux rendez-vous quotidien
avec Jérôme Salomon et Olivier Véran, ou la nécessité de faire appel à une communication émotionnelle pour nous parler du sacrifice de mamie Huguette, ou de Clara, gentille infirmière qui donne le meilleur chaque jour sans voir ses enfants “pour vous soigner, alors restez chez vous!”.
On y retrouve tous les éléments de communication pour bien vivre ce “moment cocoon autour du plaisir à rester enfermé chez soi”.
Peu importe que ce soit à six dans 30 mètres carrés, avec une amende pour celui qui aurait la bonne idée de prendre l’air en bas de son HLM ou à deux dans une grande maison avec jardin.
C’est peut-être un petit peu plus facile d’avoir le moral à deux dans 300 mètres carrés avenue Foch que toute seule dans un deux pièces à Clichy.
Mais je peux me tromper.

Bien sûr, personne ne dit, en l’état des données qu’on a actuellement, qu’un autre choix était possible à ce moment-là de la situation.
Par contre, il aurait pu être intéressant d’évoquer les nombreuses fautes gouvernementales,
leurs annonces contradictoires d’une semaine sur l’autre, ou encore le fait d’avoir baissé les crédits de la recherche publique depuis des années sur les coronavirus notamment,
nous laissant sur la paille quant à nos avancées sur des traitements ou vaccins éventuels.

Ni à ce moment-là, ni deux ans plus tard, ne sera fait le moindre mea culpa. Au contraire.
Non seulement Macron niera toute faute gouvernementale mais, tellement séduit par ces techniques du nudge pour la gestion de la crise, qu'il sera lancé en avril 2021, un appel d'offres de 800 000 euros par le Service d’information du gouvernement "pour la fourniture de prestations de conseils en économie comportementale” et la mise en place "d’experts seniors en nudge".
La question qui se pose est donc : Le nudge est-il toujours utilisé à bon escient ?

Avons-nous accepté que soient financées des entreprises du nudge avec nos impôts pour nous expliquer ce qu’il fallait faire ?Avons-nous notre mot à dire quant à l'énième prolongation de l’état d'urgence qui enfreint nombre de nos libertés fondamentales en raison de ces mêmes principes sanitaires ?

La réponse à tous ces éléments est négative.

Les institutions ont aussi profité du prétexte sanitaire pour impunément violer la loi, en tentant d’instaurer notamment des dispositifs de surveillance généralisée via l’utilisation de drones civils de surveillance destinés à “protéger la population de la transmission du coronavirus”,
mis en place notamment par la Préfecture de police à Paris ainsi que dans de nombreuses autres villes.
À noter que le champ de vision de ces drones n’exclut ni les appartements, ni les bureaux, ni l’identification des visages.

Surveillés partout. 1984 : surveillance des corps et des consciences ?
Est-ce qu’on y est ? Pas encore.
La Quadrature du Net et la Ligue des droits de l’Homme ont saisi le Tribunal administratif puis le Conseil d’État en référé liberté afin de suspendre ce dispositif.
La demande a été rejetée par le tribunal de Paris mais a abouti devant le Conseil d’État.

Vous envoyez un SMS via l’application Tous Anti Covid ?
C’est un autre exemple de nudge.
Encore une fois, en termes de transparence…
Les calculs ne sont pas bons Kévin !
Êtes-vous correctement informés du fait que vous serez géolocalisés en permanence
après avoir installé l’application ? Non.
Vous a-t-on informés que vos données ne sont pas anonymisées ? Non plus.
L’ensemble de ces mécanismes fait tâche d’huile.

Une tâche qui s’étend progressivement, encore plus facilement dans une période de vulnérabilité, habituant nos esprits à de nouveaux modes de surveillance, au traçage de chacun, à l’érosion progressive de notre vie privée, à l’adoption de gestes et de protocoles allant parfois jusqu’au non-sens.

C’est dans cette confusion et en raison de notre vulnérabilité touchant à nos peurs, à notre rôle social, que nos mécanismes de défenses habituels se trouvent diminués.
Et nous sommes parfois résignés à accepter, sans nous y opposer, tel ou tel protocole,
telle ou telle règle, pour aussi stupide soit-elle parfois.
Ainsi, c’est profiter ici de la vulnérabilité d’un homme et de sa fille que de les empêcher de se toucher à Noël et de se voir, sous un prétexte sanitaire.

En imposant à la population des débats binaires “pour ou contre la vaccination”, le gouvernement n’a pas à répondre ni de ses manquements, ni de son atteinte aux libertés, ni de son absence d’humanité dans cette crise.

Quand on sait aujourd'hui que la vaccination nous protège bien des formes graves mais ni d’attraper le Covid ni de contaminer autour de nous, il semble assez peu pertinent d’interdire l’entrée d’un restaurant à un individu négatif avec son test PCR, alors qu’on laissera entrer une personne vaccinée qui est peut-être positive au Covid, mais ne le sait pas, et pourra contaminer tout le monde.

Ainsi, est-ce que c’est bien de notre santé qu’on s’inquiète ?
Est-ce que quand on s'inquiète vraiment pour quelqu’un, sa seule ambition, c’est de l’emmerder jusqu’au bout ? 
Non.

Le Covid, c’est une belle saloperie.
Et pour ma part, je n’oublierai pas ce que j’ai vu en mars 2020.
Les papas qui ne sont pas revenus chez eux.
Les enfants que j’ai rassurés, la peur des familles, les sirènes qui s'enchaînaient dans ce Paris vide la nuit, les SMUR, les ambulances avec qui on travaillait.

Pour autant, il n’est pas question de continuer de porter atteinte à nos libertés fondamentales de façon autoritaire sous de faux prétextes sanitaires.
La santé, la santé de mes patients et la santé de tous, C'est un de nos biens les plus précieux, mais nos libertés aussi.
Il n’est aucune nécessité de sacrifier l’un pour l’autre.